samedi 4 janvier 2014

Désillusions.






Pas une ligne depuis des mois : en dépit d'une somme conséquente de tentatives, je ne parviens pas à formuler cet article qui macère en moi tel un amer ragoût depuis début octobre. Or si un ragoût demande, outre quelques 500g de pommes de terre, une bonne décennie de mijotage à couvert, il arrive une heure où quiconque se doit de soulever le couvercle et d'instaurer un cessez-le-feu, sous peine d'avoir sur la conscience et l'incendie d'une casserole, et l'échec cuisant (hihihahahoho) d'un dîner. Alors si vous passez par là, ayez pitié, écoutez donc la complainte du ragoût.

Voilà, je crois que je vis mal ma khâgne.

Depuis octobre, je me vois sombrer dans une sorte de léthargie intellectuelle, de profonde démotivation quant à la perspective d'une quelconque réussite de cette année. Curieuse impression, nouvelle à ce jour, de ne pas du tout être à ma place en prépa. Curieuse désillusion, aussi, quant à un aspect scolaire, carré, de ces études, qui ne me convient pas. Qu'est-ce qui a changé depuis cette année d'hypokhâgne si géniale ?

Eh bien à mon sens, à peu près tout. Hier, en rentrant chez moi - comme quoi il est possible de vivre des instants fous, même dans la neurasthénie du RER ! - alors que je parcourais des entretiens entre Jean Claude Carrière et Umberto Eco (réunis dans un fantastique bouquin, N'espérez pas vous débarrasser des livres.), je suis tombée sur une anecdote qui, je crois, en dit long.
Jean Claude Carrière, en 1977, reçoit une visite de l'écrivain José Luis Borges, dans sa maison parisienne encore en chantier, complètement désordonnée. Lorsque, confus, il s'excuse de ce fouillis, Borges a cette réponse amusante : "Oui, je comprends. C'est un brouillon" Tout, même une maison en travaux, conclut Carrière, se ramenait chez lui à la littérature.

La littérature est partout. Elle envahit, imprègne tout, choses et êtres confondus. Voilà, je pense, ce que m'a appris mon année d'hypokhâgne. Or ce qui me déplaît en khâgne - parti pris certainement puéril de ma part j'en suis consciente - est qu'elle me paraît considérer les choses du point de vue contraire, nous présenter le spectre bien déterminé du programme comme une fin en soi, visant à former non des amoureux, mais des érudits. En bref, vous saurez tout sur le siècle de Louis XIV mais vous n'aurez jamais une minute pour vous perdre avec délectation dans les tortueux rayons de votre bibliothèque.

Dans ce cas, me direz-vous, il ne fallait pas s'inscrire en deuxième année, dans la mesure où, ce n'est pas un secret, la khâgne est une année dédiée à un concours, à un programme, et il est stupide de ne pas jouer le jeu alors même qu'on s'y est engagé en connaissance de cause. Et bien vous aurez raison. Le fait est que j'aurais dû m'en douter, passer un an à préparer un concours qu'on ne veut pas, ça vous laisse face à cet absurde hébétement, à ce "qu'est-ce que je fais là ?" constant, si bien que vous vous retrouvez, en ce samedi anxieux de fin de vacances, à servir à vos amis blogueurs un médiocre ragoût.

Ceci étant dit, je vous rassure, je vais bien, et la plupart des cours demeurent passionnant, vraiment, le problème concerne moins la khâgne en elle-même qu'une "erreur d'orientation" de ma part. J'ai simplement le sentiment de n'être pas faite, en raison de mes propres aspirations, pour cette deuxième année. Je compte terminer ma khâgne - à moins de subir un nervous breakdown à la Charlie Chaplin dans Modern Times - puis rejoindre l'université en double cursus Lettres Modernes Philosophie (et j'ai très hâte !)


Voilà, mes plus plates excuses pour cette loooongue absence. Je tenterai de reprendre un rythme plus régulier ! Et vous, comment se passe votre année ?