Je me suis rendue compte que je n'avais encore jamais parlé des soucis qu'il est possible de rencontrer en hypokhâgne, alors voilà, aujourd'hui je vais tenter d'évoquer les questions que je me pose tous les jours en prépa. J'espère que mes co-bloggeurs prépateux, s'ils passent par là, pourront m'éclairer ou me dire s'ils ressentent la même chose.
Ce que j'ai pu constater non sans une certaine amertume, c'est le côté "petit monde bien clos sur lui-même" de la prépa. Qui se clôt de plus en plus au fil de notre apprentissage, d'ailleurs. La prépa, c'est élitiste, on le sait à force d'entendre rabâchés les clichés par ceux qui n'y ont jamais mis les pieds. Clichés, dans le sens où non, nous ne multiplions pas les crasses envers nos camarades en vue d'un classement, et où non, nous ne sommes pas tous de pâles intellos inhibés à bretelles programmés pour réciter des cours par cœur toute la journée. Loin de là. Et pourtant...le côté élitiste demeure, même si ce n'est pas dans le sens où tout le monde l'entend habituellement. Élitiste dans le sens où on vit sur une autre planète, où l'on nous apprend à tout penser autrement. Avoir une prof de géo qui commence toutes ses phrases par "Contrairement à ce qu'un vain peuple pense, [...]" ou qui sort tout naturellement des traits tels que "Votre manière de vous exprimer est comparable à celle de la mauvaise presse néo-trotskyste post-soixante-huitarde", ça a du bon, ça donne l'impression de se coucher moins bête que l'on ne s'est levé et ça nous apprend à être exigent. Mais ça a aussi quelque chose d'effrayant : et si se cultiver, c'était apprendre à être méprisant, à voir la moindre chose à travers son filtre d'intellectuel, depuis un îlot retiré ? Et si se cultiver, c'était apprendre à être malheureux, reclus dans un orgueil solitaire ? "L'homme qui ne médite pas vit dans l'aveuglement, l'homme qui médite vit dans l'obscurité. Nous n'avons que le choix du noir", écrit Victor Hugo. Comment échapper à ce choix ? Tenter de penser les choses sans vivre dans sa grotte ? En prépa, je me suis vite rendue compte que si on ne fait pas attention à rester sur terre, le risque est une solitude gigantesque.