dimanche 12 mai 2013

"J'suis snob...C'est vraiment l'seul défaut que j'gobe" (Boris Vian)

Je me suis rendue compte que je n'avais encore jamais parlé des soucis qu'il est possible de rencontrer en hypokhâgne, alors voilà, aujourd'hui je vais tenter d'évoquer les questions que je me pose tous les jours en prépa. J'espère que mes co-bloggeurs prépateux, s'ils passent par là, pourront m'éclairer ou me dire s'ils ressentent la même chose.

Ce que j'ai pu constater non sans une certaine amertume, c'est le côté "petit monde bien clos sur lui-même" de la prépa. Qui se clôt de plus en plus au fil de notre apprentissage, d'ailleurs. La prépa, c'est élitiste, on le sait à force d'entendre rabâchés les clichés par ceux qui n'y ont jamais mis les pieds. Clichés, dans le sens où non, nous ne multiplions pas les crasses envers nos camarades en vue d'un classement, et où non, nous ne sommes pas tous de pâles intellos inhibés à bretelles programmés pour réciter des cours par cœur toute la journée. Loin de là. Et pourtant...le côté élitiste demeure, même si ce n'est pas dans le sens où tout le monde l'entend habituellement. Élitiste dans le sens où on vit sur une autre planète, où l'on nous apprend à tout penser autrement. Avoir une prof de géo qui commence toutes ses phrases par "Contrairement à ce qu'un vain peuple pense, [...]" ou qui sort tout naturellement des traits tels que "Votre manière de vous exprimer est comparable à celle de la mauvaise presse néo-trotskyste post-soixante-huitarde", ça a du bon, ça donne l'impression de se coucher moins bête que l'on ne s'est levé et ça nous apprend à être exigent. Mais ça a aussi quelque chose d'effrayant : et si se cultiver, c'était apprendre à être méprisant, à voir la moindre chose à travers son filtre d'intellectuel, depuis un îlot retiré ? Et si se cultiver, c'était apprendre à être malheureux, reclus dans un orgueil solitaire ? "L'homme qui ne médite pas vit dans l'aveuglement, l'homme qui médite vit dans l'obscurité. Nous n'avons que le choix du noir", écrit Victor Hugo. Comment échapper à ce choix ? Tenter de penser les choses sans vivre dans sa grotte ? En prépa, je me suis vite rendue compte que si on ne fait pas attention à rester sur terre, le risque est une solitude gigantesque.

4 commentaires:

  1. Il y a du vrai dans ce que tu dis : qu'on le veuille ou non, la prépa est élitiste, c'est un peu son fond de commerce quoi. On porte nécessairement un regard différent sur les choses après être passé par la case prépa; dire le contraire serait vraiment absurde. Ensuite, je pense que ce ressenti diffère selon les prépas, bien sûr. Mais je ne peux que me révolter d'imaginer des profs parler constamment de "vain peuple" comme tu le soulignes; j'ai du mal à cautionner cette forme de mépris gratuit, qui relève en fait d'un snobisme intellectuel écoeurant (d'ailleurs, j'aime le titre que tu as choisi pour ton article!).
    Prudence, donc. Même si certains de tes profs peuvent tenir ce type de discours, tu n'es pas "forcée" de glisser dans ce mode de pensée; il faut toujours avoir un certain recul face à ce qu'on nous enseigne. En philo par exemple, on a souvent tendance à nous parler du "commun des mortels" qui pense tel ou tel cliché...Mais immédiatement après, notre prof nous rappelle en souriant à quel point nous faisons nous-mêmes partie de cette "plèbe"; ou encore que notre pseudo sentiment de supériorité intellectuel est encore plus ridicule...
    Bref, il faut constamment apprendre à relativiser, car OUI, on peut se cultiver sans être malheureux, snob et méprisant! J'en ai la certitude, même si ce n'est pas le plus facile parfois...Il faut faire l'effort de se sortir de cette "obscurité"! :)

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    1. Merci pour ce message d'espoir haha, en effet je pense que c'est le recul qui fait tout, laisser les snobs vivre dans leur petit monde sans s'en préoccuper ! ça fait quand même un coup lorsqu'on se rend compte que ceux qui nous apprennent des choses passionnantes ont aussi un côté hyper mesquin (heureusement ça ne concerne qu'une minorité de profs)

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  2. Je ne peux qu'appuyer les propos de Justine. Il faut parvenir à sortir de ce moule de pensée sans le renier. Partir de celui-ci pour progresser et dire quelque chose d'intelligent. Après, c'est sûr que la prépa a ses bons et mauvais côtés, on ne peut pas le cacher. La prépa reste et restera élitiste - principe du dossier ouais - sinon ce n'est plus une prépa. Après, il faut voir au-delà.

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  3. Il est vrai que dans un premier temps, la prépa peut donner le "vertige" et une impression d'être coupée de la réalité. C'est effectivement un monde à part, avec surtout des normes qui lui sont propres. Là où cela me frappe notamment, c'est la notion de "savoir de base". Maintenant, après trois ans, Barthes, Genette me semblent des références "incontournables" alors que concrètement je ne savais même notre cher Gégé existait il y a trois ans. Je pense que le décalage et l'élitisme vient de là. D'où également l'impression de vase clos: on se donne une base commune que l'on affirme être la norme alors qu'elle n'est la norme que pour les prépateux de base (c'est à dire une infime partie de la population).

    Pour ce qui est de la mention de "vain peuple" en géographie et en philosophie, cela tiens plus de la convention rhétorique et renvoie surtout à l'impression première que l'on a des choses et donc en droit à tout le monde. Si tes profs ne le disent pas ainsi, c'est eux le problème xD.

    Enfin, je dirais que la prépa est un milieu paradoxal dans la mesure où certes c'est un milieu profondément élitiste mais également c'est un endroit où nous sommes perpétuellement remis en question, parfois de manière relativement violente (à travers la notation par exemple). On nous apprend aussi à nous rendre compte qu'on ne sait pas grand chose, que l'horizon est immense et qu'on doit toujours progresser.Même si j'ai toujours eu le problème inverse (manque maladif de confiance en soi), je trouve que la prépa est aussi un exercice d'humilité, d'autant qu'elle accueille de bons élèves qui parfois n'ont pas eu l'occasion d'être en difficulté et donc de gérer la peur de l'échec etc.

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